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Le décompte individuel du temps de travail à l’aide d’un outil qui pré-renseigne l’horaire journalier des salariés est-il un système de décompte objectif, fiable et accessible ?

Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 17 avril 2025, n°492418

Un employeur, soumis à l’obligation légale de décompter individuellement la durée de travail de ses salariés quotidiennement et hebdomadairement, avait mis en place un système d’enregistrement du temps de travail en deux temps :

  • D’abord, l’outil était paramétré de sorte à indiquer au début de chaque semaine le temps de travail journalier théorique qui serait effectué par chaque salarié sur la semaine, en application de l’accord collectif sur le temps de travail de l’entreprise ;
  • Ensuite, à la fin de chaque semaine de travail, les salariés devaient rectifier cette déclaration en renseignant les heures effectivement accomplies au cours de chaque journée de travail.

L’Inspection du travail, considérant que ce système ne respectait par les caractères d’objectivité, de fiabilité et d’accessibilité imposés par le Conseil d’Etat en la matière, a prononcé une amende administrative à l’encontre de cet employeur, qui l’a contestée devant le juge administratif.

Le Conseil d’Etat a toutefois donné tort à l’Inspection du travail :

  • D’abord, il rappelle que :
    • Conformément aux articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail, lorsque les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail, l’employeur doit décompter la durée du travail de chacun de ces salariés :
      • Quotidiennement : soit en enregistrant les heures de début et de fin de chaque période de travail, soit en relevant le nombre d’heures de travail accomplies dans la journée ;
      • Mais également hebdomadairement : en récapitulant le nombre d’heures de travail accomplies par chaque salarié dans la semaine.
    • Conformément à une décision du Conseil d’Etat du 6 octobre 2023, ce décompte individuel du temps de travail doit être réalisé au moyen d’un système objectif, fiable et accessible.
  • Au visa de cette Jurisprudence et de ces textes, le Conseil d’Etat va confirmer que :
    • Un employeur peut recourir à un outil informatique comportant pour chaque salarié ses heures de travail anticipées…
    • … mais dans ce cas, ce système doit garantir que les éventuelles discordances entre le nombre d’heures anticipé et le nombre d’heures effectivement accomplies seront corrigées pour chaque jour et chaque semaine de travail.
  • Le Conseil d’Etat va par ailleurs ajouter que :
    • La brièveté du délai dans lequel cette correction doit être effectuée participe du caractère objectif, fiable et accessible du système mis en œuvre ;
    • Le fait que le système affiche un nombre d’heures incorrecte pendant l’intervalle de temps dont dispose les salariés pour effectuer leurs corrections ne saurait conduire à considérer que ce système ne présente pas les garanties d’objectivité, de fiabilité et d’accessibilité requises.
    • Implicitement par ailleurs, on comprend que le fait de laisser aux salariés jusqu’à la fin de la semaine pour corriger la déclaration anticipée est suffisamment bref pour que cet outil présente un caractère objectif, fiable et accessible.

Cette décision valide la pratique de nombreuses entreprises en la matière ; il convient toutefois de rester vigilant à la possibilité pour le collaborateur, d’ajuster la déclaration pour tenir compte de son horaire réellement effectué.